Les démences telles que la maladie d'Alzheimer ou la démence à corps de Lewy (DLB : pour Dementia with Lewy Bodies) sont deux maladies neurodégénératives. À un âge avancé, elles se caractérisent par une détérioration progressive du tissu cérébral qui provoque des pertes de mémoire à court terme. La maladie de DLB est souvent accompagnée d’hallucinations, de perte des fonctions motrices et favorise le développement de la maladie de Parkinson. Aujourd’hui, il est très difficile de distinguer ces deux maladies puisqu’elles partagent de nombreuses caractéristiques neuropathologiques et cliniques. Cela conduit à des erreurs de diagnostic et, par conséquent, à une mauvaise prise en charge des patient(e)s atteint(e)s de ces maladies. Il était donc nécessaire de développer de nouveaux outils moléculaires pour permettre de différencier ces deux pathologies, de manière plus efficace, plus précise et idéalement de façon non invasive.
Infographie : Cette infographie présente une nouvelle méthode qui permet de discriminer la maladie d'Alzheimer et la démence à corps de Lewy à partir d'une simple prise de sang. *Les microARN (motifs graphiques en vert) sont connus pour inhiber (symbole "T" rouge) l'expression des protéines d'une manière spécifique (processus illustré à l'intérieur des neurones). Leur niveau d'expression a été analysé dans des *vésicules extracellulaires (VE) provenant d'individus sains ou de patients atteints de démence (Alzheimer ou corps de Lewy). Après analyse, nous constatons que le niveau d'expression de ces deux microARNs (451a ; 21-5p) est réduit uniquement chez les patient(e)s atteint(e)s de la maladie d'Alzheimer, ce qui n'est pas le cas chez les patient(e)s atteint(e)s de la démence à corps de Lewy.
*Vésicules extracellulaires : La plupart des cellules du corps humain sécrètent des vésicules extracellulaires (VE). C'est le cas des cellules du système nerveux central, comme les neurones et les autres cellules du cerveau. Ces vésicules se forment soit dans le cytoplasme de la cellule et sont ensuite sécrétées -exosomes-, soit par l'intermédiaire de l'excroissance des membranes cellulaires -microvésicules-. Les VE sont encapsulées dans une bicouche lipidique et contiennent des protéines, des lipides et des acides nucléiques (différents types d'ARN, en particulier des microARN).
*Les microARNs : ce sont de petits ARNs non codants qui régulent l'expression de l'ARNm (ARN messager). Cette régulation conduit à l'inhibition de l'expression de certains gènes de manière spécifique.
Actuellement, "il est extrêmement difficile de distinguer la maladie d'Alzheimer et la démence à corps de Lewy puisqu’elles partagent de nombreuses caractéristiques neuropathologiques et cliniques". C'est dans ce contexte que la communauté scientifique s'est intéressée aux *vésicules extracellulaires (VE) qui sont sécrétées naturellement par la plupart des cellules du corps. Une des particularité de ces VEs se trouve dans le fait qu'elles traversent la barrière hémato-encéphalique pour se retrouver directement dans les échantillons sanguins. Les laboratoires du Dr. Francesc E. Borràs et du Dr. Katrin Beyer (Instituto de Investigación Germans Trias i Pujol (IGTP), Badalona, Espagne) se sont basés sur l'hypothèse que ces mêmes vésicules, qui peuvent circuler dans le sang, pourraient partager des caractéristiques moléculaires avec les cellules cérébrales des patient(e)s. Dans leur laboratoire, la docteure Ana Gámez-Valero, et ses collaborateurs ont démontré, à partir d’échantillons sanguins, que l’expression de deux micro-ARNs* (hsa-miR-451a; hsa-miR-21-5p) était diminuée dans les vésicules de patient(e)s atteint(e)s de la maladie d’Alzheimer.
La réduction de ces deux microARN n'étant retrouvée que chez les patient(e)s atteint(e)s de la maladie d'Alzheimer, il est désormais possible de les différencier des patient(e)s atteint(e)s de démence à corps de Lewy. Cette nouvelle procédure est extrêmement précise et peu invasive. Comme une simple prise de sang suffit pour établir un tel diagnostic, cette nouvelle stratégie pourrait s'avérer décisive pour une meilleure prise en charge des patient(e)s en clinique dans les années à venir.
-------
Texte : écrit par Dr. Ana Gámez-Valero (EN, ES), traduit en français et réécrit par Dr. Sarah Hurtado-Bagès, traduit en anglais par Richard Norris et relu en français par Line Hurtado. Design graphique : Line Hurtado (sci.sters.editions) - coordination par Dr. Sarah Hurtado-Bagès. Article : Dr. Ana Gámez-Valero et al., 2019, Translational Neurodegeneration. doi: 10.1186/s40035-019-0169-5
Aide financière : cette recherche scientifique a bénéficié du soutien du ministère espagnol de la santé, projet PI15/00216, intégré au National R + D + I, et a été fondé par l’ISCIII et le fond régional européen du développement. Il a aussi été soutenu par la bourse MaratóTV3 201405/10.